Le riche insensé
Peut-on légitimement évoquer la précarité dans le confort d'une vie "réussie" - selon des critères très humains : avoir un travail bien rémunéré, un logement spacieux et bien équipé, une famille, des loisirs...?
C'est la question qu'on peut se poser à la veille de la fête de Souccot ou fête des cabanes - ou encore des tentes - qui se déroule au moment des récoltes. Celles-ci marquent en effet l'entrée dans des temps d'abondance où les humains recueillent le fruit de leur labeur... Les gens des villes l'ont sans doute un peu oublié, mais les tentes ouvertes sur le ciel, sur les intempéries rappellent la fragilité de la condition humaine aux hommes et femmes de notre temps.
C'est donc une fête qui dit à notre conscience ce que le subconscient refuse : les temps d'abondance ne sont pas dus ! Comme pour le riche insensé de la parabole éponyme, les lendemains ne chantent pas toujours.
On entend néanmoins une note discordante dans ce qui ressemble à un éloge de la précarité. Mimer l'indigence le temps d'une fête peut paraître artificiel, on peut n'y voir au mieux qu'une parodie de charité, au pire du cynisme... On serait alors tenté de se laisser bâillonner par un sentiment de culpabilité insidieux, ou, plus simplement par l'évidence de l'écart de condition qui rend inconciliables les expériences des nantis et des indigents.
Et pourtant...
Et pourtant, la crise économique qui secoue le monde, et plus particulièrement les Etats-Unis et l'Europe montre durement que rien n'est jamais acquis. Le nombre de Grecs au dessous du seuil de pauvreté a doublé en trois ans, passant de 17% à 35% : les 16% supplémentaires dorment dans une tente dont le toit est désormais ouvert sur les cataclysmes. Ils ont découvert, à leur dépens, que les riches sont souvent insensés !
Aussi, lorsque Frédéric Keller a évoqué la fête de Souccot mardi 4 octobre, au cours d'un déjeuner du Parvis, c'est le sens de l'éphémère, de la fragilité humaine qu'il entendait illustrer : la précarité est un fléau, nous devons la combattre et voir dans celui qui en est victime un alter ego !
FC