"Salauds de pauvres !"

Quel ménage supporterait une réduction de ses revenus de 80 % ? C'est pourtant bien à ce régime d'une brutalité inouïe que l'Union européenne entend soumettre la banque alimentaire et les associations d'aide aux plus démunis, en contestant l'octroi de subventions, sous la pression de 9 pays membres dont l'Allemagne et la Suède. Ce sont plus de 13 millions de pauvres en Europe - dont 4 millions en France - qui feront les frais des dédaccords des pays membres, repliés sur eux-mêmes sous prétexte de crise.

PEAD : Programme Européen d'Aide aux plus démunis. Sous cet acronyme, une belle idée née en 1987 à la demande de Jacques Delors - qui présidait la Commission européenne - et sous l'impulsion de Coluche : d'un côté, des surplus agricoles, invendus, abondants, de l'autre des personnes que la crise de l'emploi d'alors jetait dans la précarité et la pauvreté. La solution était simple, évidente : on pouvait donner ces surplus à ceux qui en avait besoin.

25 ans plus tard, la PAC (Politique Agricole Commune)a permis une réduction de ces surplus en imposant une régulation de la production agricole européenne : une subvention représentant 1% du budget de la PAC est venue remplacer les dons en nature.

C'est l'octroi de cette subvention qui ne fait plus consensus aujourd'hui : selon les détracteurs du PEAD, la part toujours croissante des achats de denrées alimentaires par l'Europe au détriment des surplus agricoles dans les stocks destinés à l'aide aux plus démunis détourne le programme de sa vocation première et lui retire son assise légale.

Le droit est ainsi convoqué pour faire obstacle à la justice !

Ce n'est pas le moindre des paradoxes dans cette affaire ! Car, le vrai scandale, ce n'est l'attitude des initiateurs de la contestation (La Suède ou l'Allemagne, par exemple) ! Ces pays pourraient en remontrer à bien des gouvernements européens en matière de politique sociale. Car cette pauvreté à nos portes, dans nos villes, parfois sous nos toits est le fruit de l'impuissance collective de pays qui ont oublié les mots simples de la politique : solidarité publique, redistribution, mutualisation.

Que la privatisation de la charité soit en marche ne fait aucun doute : mais en ces temps de crise, il sera difficile aux associations d'aide aux plus démunis de récolter dans la société civile les sommes qu'elles ne percevront plus de l'Europe.

Alors, chaque fois que vous donnerez un euro à l'une d'entre elles, lancez haut et fort votre cri de protestation pour revendiquer avec elles un modèle économique et social à visage humain !

 

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Portrait : Sonia Serra et Philippe Schmitter

 

Les mots se bousculent dans la bouche de Sonia Serra, présidente du secours populaire des Bouches du Rhône : elle a tant à dire ! L'histoire du PEAD, elle connaît bien ! Elle pourrait nous en parler longuement, chiffres à l'appui. Mais on voit bien que ce n'est pas cela qu'elle veut nous communiquer. Du reste, les chiffres sont restés chez elle : elle est venue les mains pleines d'autre chose. Et il ne faudrait pas beaucoup la pousser pour qu'elle nous livre des anecdotes, des moments de vie. Ils resteront néanmoins pudiquement tus !

Avec de la délicatesse et un doigté impressionnant, Philippe Schmitter, major de l'Armée du Salut, a animé cette conférence, apportant ici une précision, là une confirmation des propos tenus par Sonia Serra : une partition improvisée à deux qui m'a plus touchée que ne l'aurait fait un discours très structuré. Nous nous trouvions au coeur de l'humain.

Je terminerai par la réponse faite à quelqu'un qui se demandait si certains bénéficiaires de l'aide alimentaire ne papillonnaient pas d'une association à l'autre pour obtenir davantage. Sonia s'est contenté de répliquer : si certains le font, c'est qu'ils en ont besoin.

Tout est dit.

Fabienne Chabrolin