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Le Parvis du Protestantisme - Le Blog
22 novembre 2011

Thanatos et Thémis

Faut-il une nouvelle loi pour encadrer plus strictement l'usage de l'euthanasie dans notre pays ? A entendre Jean-François Abeille mardi dernier au Parvis du Protestantisme ainsi que les participants au débat qui a suivi sa conférence, on comprend que la loi Léonetti de 2005 est un cadre suffisant pour une gestion humaine, personnalisée et sereine des situations dramatiques qui conduisent une personne à réclamer pour lui-mêmel'euthanasie.

P1120624Avocat au barreau de Marseille et universitaire, Jean-François Abeille a mesuré la tâche qui lui incombait ce 15 novembre 2011 : brosser un rapide historique de l'euthanasie ainsi que des glissements sémantiques de ce mot, faire un état des lieux des positions des différents acteurs - médecins, familles, patients, législateurs - sur ce douloureux sujet, pointer les écueils et les menaces qui peuvent nuire à une prise en charge digne de la question de l'euthanasie par la société dans son ensemble.

Tout cela en 30 minutes...

Et Jean-François Abeille ne s'en est pas caché : il est tombé dans un traquenard, tendu par le Parvis du Protestantisme ! Contraindre un avocat à l'économie de mots, à l'ellipse, à la caricature, faute de temps pour construire finement un raisonnement, ça ne se fait pas !!!

P1120609

Mais les auditeurs ont tout de même pu apprécier le talent d'orateur de l'avocat qui s'est avancé vers son public comme pour le conquérir, allant jusqu'à tenter de déambuler dans la salle encombrée de tables !

P1120611Il a ainsi montré comment un mot dont l'étymologie est claire - eu-thanasie signifie "bonne-mort" - est devenu péjoratif, par le double effet de l'opposition de toutes les religions à cette pratique et par l'usage terrifiant qu'en ont fait les humains, en particulier au XXème siècle : comment en effet ne pas confondre l'euthanasie et l'eugénisme, pratiquée par bien des peuples et portée à un niveau de barbarie inouï par les nazis ? Les 100000 aliénés et handicapés assassinés par les nazis pèsent lourd dans la perception que l'on peut avoir de "la bonne mort" !

Euthanasie

Quant aux religions, elles sont, selon jean-François Abeille, unanimes à condamner l'euthanasie - l'Eglise Catholique en fait même un crime.

Dans ce contexte, il a fallu la médicalisation extrème de bien des étapes de la vie - naissance, maladie, mort - pour que se repose de manière plus sereine la question de l'euthanasie : quand les progrès de la médecine permettent le maintien en vie presque végétative d'un accidenté de la route ou d'un prématuré surgit alors la notion d'acharnement thérapeutique.

Distinguer euthanasie passive et euthanasie active, est-ce bien pertinent ? Oui, répond Jean-François Abeille, car c'est bien souvent le clivage qui apparaît entre les personnels médicaux : il est plus facile de renoncer à traiter ou d'administrer des calmants de la douleur quitte à entraîner la mort que d'injecter directement une substance létale.

Enfin, l'omniprésence de la notion de responsabilité, dans le monde du travail en particulier, a rendu plus difficile la prise de décision pour tous : médecins, familles, patients. Les premiers veulent se mettre à l'abri de poursuites éventuelles quand les seconds expriment de manière de plus en plus pressante leurs angoisses et leurs attentes. En somme, la désacralisation du médecin, en rapprochant celui-ci des patients, a favorisé puis rendu nécessaire une collaboration étroite entre familles et personnel médical dans la prise de décision finale. C'est un point de non-retour qu'a entériné la loi Léonetti de 2005.

Cette loi a renforcé le droit des malades et la collégialité dans la prise de décision de pratiquer l'euthanasie, en particulier lorsque le malade est inconscient. Elle condamne l'acharnement thérapeutique et rappelle le droit aux soins palliatifs pour le patient, l'obligation de soulager la douleur pour le médecin.

euthanasie_suicide_assiste_acharnement_therap

Cette loi, "écrite en tremblant", est un cadre éthique qui semble satisfaire tous les acteurs : rappelons néanmoins que l'accès aux soins palliatifs est loin d'être respecté, faute de places ou de formation des personnels. Or, on sait que les demandes d'euthanasie disparaissent quasiment dans les unités de soins palliatifs.

Euthanasies

La question centrale est donc politique : notre pays se donnera-t-il les moyens d'accorder une fin de vie digne à ses habitants ? En s'emparant de cette question, la société civile peut peser sur les décideurs : n'est-ce pas ce que le Parvis du Protestantisme recherchait en mettant l'euthanasie à l'ordre du jour des déjeuners du Parvis ?

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