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Le Parvis du Protestantisme - Le Blog
30 mars 2012

Le plus grand amour !

des-hommes-et-des-dieux-1L'histoire est déjà connue de tous ceux qui ont vu "Des hommes et des dieux" au cinéma, de tous ceux également qui ont été marqués par les assassinats de sept moines à Tibhérine au printemps 1996, de tous ceux enfin qui portent un intérêt à l'Algérie, ce pays qui a tissé une partie de son histoire au nôtre (à moins que ce ne soit l'inverse...)

Ce n'est donc pas seulement une trame anecdotique que le père Christian Salenson est venu présenter au Parvis du Protestantisme ce mardi 28 mars devant un public nombreux. Celle-ci est en effet trop connue pour qu'on se contente de rappeler des faits.

C'est donc bien un autre but que poursuit l'orateur : à travers l'histoire de Christian De Chergé, moine à Tibhérine, assassiné avec six de ses compagnons, Christian Salenson a su montrer que la vie d'un homme est avant tout faite de rencontres décisives, de choix déterminants qui peuvent conduire à la victoire sur la nuit et la haine.

Et ce n'est pas le moindre des paradoxes de la destinée de Christian de Chergé : sa vie a été marquée par la recherche de l'amour et de la paix, sa mort violente et barbare n'en constitue pas moins un témoignage de l'impasse dans laquelle les partisans de la haine se retrouvent aujourd'hui, quelle que soit l'idéologie qui les anime.

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Né en 1937 dans un milieu catholique pratiquant, Christian de Chergé a grandi à Paris : il a fréquenté une école catholique, a été enfant de coeur et est entré au séminaire en 1956.

En 1959, il effectue son service militaire en Algérie : c'est dans ce pays qu'il fera une rencontre qui marquera sa vie, pierre sur son chemin, lumière sur son sentier. Il se lie en effet d'amitié avec un garde champêtre musulman, Mohamed : avec cet homme, une affection profonde se tisse. Christian de Chergé dira de lui : "cet homme a libéré ma foi !" Hélas, Mohamed est assassiné deux jours après avoir pris la défense de son ami menacé par un groupe de résistants algériens.

C'est un évènement fondateur dans la vie de Christian de Chergé : son ami, musulman, a donné sa vie pour lui. L'évangile de Jean ne le rappelle-t-il pas ? : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime."

Christian de ChergéChristian de Chergé est alors déterminé à réorienter sa vie vers l'Algérie. Il est persuadé qu'elle lui a été donnée pour Dieu et pour ce pays, l'Algérie. Marqué par une phrase de son ami Mohamed qui lui avait dit : "tu peux prier pour moi, mais vous, les chrétiens, vous ne savez pas prier !", il décide de devenir moine et renonce ainsi à la prêtrise. Mais il réalise qu'il ne peut plus vivre sa foi de chrétien en dehors du dialogue avec l'Islam. C'est la raison pour laquelle il lira les penseurs musulmans et méditera à la fois la Bible et le Coran.

De retour en France, il poursuit son parcours vers l'ordination (1964) et ne pourra retourner en Algérie qu'en 1971. Il a, dans l'intervalle, fait un bref passage à Aiguebelle, près de Montélimar, qui est la maison mère du monatère de Tibhérine.

Un an avant son ordination, en 1975, Christian fait une seconde expérience bouleversante, alors qu'il se trouve en prière dans la chapelle du monastère de Tibhérine. Il entend un homme qui s'exprime en arabe - "Allah Akbar" : un musulman qu'il connaît se trouve à ses côtés et lui propose de prier avec lui.

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Comment décrire par des mots ce temps de prière, de silence, de communion entre ces deux hommes, bientôt rejoints par un ami commun, lui-même chrétien ? Trois heures durant, ces trois hommes ont prié ensemble, simplement, magnifiquement ! Le lendemain, ce frère musulman d'une nuit dira à ses compagnons que la joie de cette nuit l'avait conduit à faire trois fois le tour du monastère en dansant !

Faut-il revenir sur la crise que Christian de Chergé traverse trois ans plus tard, sinon pour dire qu'elle l'a conduit sur les pas de Charles de Foucault et l'a conforté dans sa démarche de travail conjoint sur l'Islam, le Coran et la Bible, à son retour au monastère ? Au point d'agacer parfois ses compagnons par ses fréquentes citations du Coran !

Aussi, c'est un homme nourri de contacts avec les penseurs musulmans, persuadé que l'Islam a une place dans le dessein de Dieu, qui accueille les évènements politiques du début des années 90 en Algérie : la victoire du FIS (Front Islamique du Salut) aux élections municipales en 1990, puis aux élections législatives en 1991 conduit le gouvernement à annuler les élections, à dissoudre le FIS et à arrêter des milliers de ses membres. Cette interruption du processus démocratique provoque une vague de violence qui rappelle les heures sombres de l'histoire algérienne.

P1150105Christian de Chergé, comme ses compagnons, savent alors que leur vie est en danger. Ils décident pourtant de rester aux côtés des villageois de tibhérine avec lesquels ils ont vécu durant plus de vingt ans, partageant avec eux le travail de la terre. Mais aussi l'appel à la prière que Dieu adresse aux hommes ! En effet, le monastère avait mis à disposition des villageois, trop pauvres pour ériger une mosquée, une salle de prière en les murs du prieuré. 

En octobre 1993, un ultimatum est lancé aux étrangers résidant en Algérie par le GIA (Groupe Islamique Armé) : tous doivent quitter l'Algérie sous peine de mort.

Les moines restent ! Acte de résistance ? Plutôt acte de cohérence : leur vie est en Algérie, comme l'est aussi celle des Algériens qui traversent avec eux cette décennie noire qui plonge leur pays dans la violence.

Le mois de décembre 1993 voit les évènements se précipiter : 12 travailleurs croates sont assassinés aux abords du monatère de Tibhérine. Quelques jours plus tard, le 24 décembre, un groupe armé dirigé par l'émir Sayah Attiyah pénètre de force dans le monastère. C'est par le dialogue avec cet homme que Christian refuse d'enfermer dans sa propre violence qu'il parvient à éloigner la menace qui pèse sur le prieuré : il oppose à cet homme en arme sa liberté de choix et lui rappelle l'importance de ce jour, veille de Noël, jour de paix.

Quoiqu'il en soit, Sayah Attiyah se retire. Les moines sont saufs. Mais ils mesurent la précarité de leur situation. C'est alors que Christian décide de rédiger un testament spirituel pour ne pas se laisser surprendre par la mort.

Deux ans plus tard, au printemps 1996, elle viendra, officiellement sous les traits du GIA. Christian De Cergé et six de ses compagnons seront assassinés.

Monastère de Tibhérine

Cette fin, Christian de Chergé l'avait envisagée ; n'avait-il pas écrit deux ans plus tôt, dans son testament parvenu jusqu'à nous : "S’il m’arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal." ?

Je citerai pour terminer les mots adressés à son fils par sa mère, Mme de Chergé, lorsque celui-ci l'informait de sa détermination à demeurer en Algérie malgré le danger : "Les fleurs ne changent pas de place pour trouver le soleil, c'est le soleil qui se déplace !"

Tout est dit !

Fabienne Chabrolin


Petite bibliographie pour aller plus loin :

- Christian de Chergé, une théologie de l'espérance, par Christian Salenson

- L'invincible espérance, de Christian de Chergé

- La Bible et le Coran, bien sûr !

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Commentaires
S
Deux phrases pourraient résumer l’intervention de Christian SALENSON : « Dieu s’est converti à nous, alors nous pouvons nous convertir à Lui » et « la conversion ne signifie pas changer de religion, ce qui compte c’est la Foi en Dieu ». Tout est dit ou presque si on ajoute la lecture de son dernier livre « Une théologie de l’espérance ». Ne cherchez pas plus loin, vous avez en mains toutes les clés pour espérer bien vivre sur cette terre, quelles que soient vos conditions. La première étape de cette rencontre, à laquelle assistaient une bonne cinquantaine de personne, a permis de mieux cerner les personnalités des moines de Tibherine. S’il est vrai qu’après le film « DES DIEUX ET DES HOMMES », le silence régnait dans la salle de cinéma, le même sortilège s’est produit dans ce haut lieu du protestantisme, particulièrement œcuménique, puisque ce prêtre venu de Nîmes, catholique comme les moines, a recueilli le même silence et la même attention. Il aurait pu continuer à parler tout l’après-midi que personne ne se serait hasardé à l’interrompre. C’est à ce signe que l’on reconnaît tout de suite l’orateur, dans sa richesse d’expression, la connaissance du sujet et l’humilité de son sacerdoce. Inutile d’imposer sa loi comme un certain tribun qui en use et en abuse. L’apologétique catholique s’entend très bien avec la théologie musulmane, autrement dit, quand le cœur parle au cœur et que « le dialogue se passe de visage à visage, d’homme à homme », tout est possible. L’islam, présenté ici dans un contexte de Foi, de Prière, d’intériorité, se vit dans l’amour de Dieu. Il est bien possible de prier ensemble, sans avoir la même religion et les mêmes rites : une prière commune suffit. Une nouvelle fois, dans la foi, le rendez-vous hebdomadaire au parvis a démontré son indispensable lien avec le public, de toutes religions.
S
Deux phrases pourraient résumer l’intervention de Christian SALENSON : « Dieu s’est converti à nous, alors nous pouvons nous convertir à Lui » et « la conversion ne signifie pas changer de religion, ce qui compte c’est la Foi en Dieu ». Tout est dit ou presque si on ajoute la lecture de son dernier livre « Une théologie de l’espérance ». Ne cherchez pas plus loin, vous avez en mains toutes les clés pour espérer bien vivre sur cette terre, quelles que soient vos conditions. La première étape de cette rencontre, à laquelle assistaient une bonne cinquantaine de personne, a permis de mieux cerner les personnalités des moines de Tiberi. S’il est vrai qu’après le film « DES DIEUX ET DES HOMMES », le silence régnait dans la salle de cinéma, le même sortilège s’est produit dans ce haut lieu du protestantisme, particulièrement œcuménique, puisque ce prêtre venu de Nîmes, catholique comme les moines, a recueilli le même silence et la même attention. Il aurait pu continuer à parler tout l’après-midi que personne ne se serait hasardé à l’interrompre. C’est à ce signe que l’on reconnaît tout de suite l’orateur, dans sa richesse d’expression, la connaissance du sujet et l’humilité de son sacerdoce. Inutile d’imposer sa loi comme un certain tribun qui en use et en abuse. L’apologétique catholique s’entend très bien avec la théologie musulmane, autrement dit, quand le cœur parle au cœur et que « le dialogue se passe de visage à visage, <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> d’homme à homme », tout est possible. L’islam, présenté ici dans un contexte de Foi, de Prière, d’intériorité, se vit dans l’amour de Dieu. Il est bien possible de prier ensemble, sans avoir la même religion et les mêmes rites : une prière commune suffit. Une nouvelle fois, dans la foi, le rendez-vous hebdomadaire au parvis a démontré son indispensable lien avec le public, de toutes religions.
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