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Le Parvis du Protestantisme - Le Blog
7 juin 2012

Le meilleur des mondes

IMG_3670A entendre Emmanuel Barthélémy, président du directoire de la Société Marseillaise de Crédit (SMC), la banque qu'il dirige représente le visage humain du monde financier : avec éloquence, passion, et un certain charisme, il a tenté de nous en convaincre au cours de ce déjeuner du Parvis, mardi 5 juin.

Après des études de mathématiques et de physique qui ne l'ont pas passionné, Emmanuel Barthélémy se dirige vers la banque à l'âge de 23 ans. Le temps a manqué à la fin du débat pour lui demander ce qu'il pense des propos de François Hollande au meeting de Toulouse, le 3 mai 2012 : "Comment peut-on accepter dans la France d’aujourd’hui qu’un trader soit mieux payé qu’un chercheur ?" Ou pour évoquer la réputation d'ennui et de difficulté qui s'attache aux sciences et qui explique en partie le désamour des jeunes français pour cette aventure passionnante de l'exploration des mécanismes qui sont à l'origine de l'existence même de notre monde.

576px-Ccf_logoQuoiqu'il en soit, foin des équations différentielles ou des tubes à essai : Emmanuel Barthélémy a des records à battre et des victoires à remporter ailleurs, comme par exemple au Crédit Commercial de France (CCF, devenu HSBC France en 2005), banque à laquelle il restera très longtemps fidèle et qui lui confiera très tôt des responsabilités managériales. Il étonne en effet par sa précocité et gravit une à une les marches qui le conduisent aux commandes de la SMC en 1998 : la banque marseillaise vient d'être rachetée par le CCF - groupe qui sera racheté deux ans plus tard par la HSBC. Installé à Marseille depuis 1995 en qualité de directeur commercial du CCF, Emmanuel Barthélémy est d'abord nommé directeur général délégué de la SMC, puis directeur général début 2005.

SIGLE-marseillaiseL'entreprise est en piteux état : au bord de la faillite et renflouée par l'état en 1991, la SMC est une vieille dame malade qui intéresse néanmoins le groupe bancaire CCF en raison de ses 200 000 clients. Elle reste une banque commerciale bien implantée en région PACA dont il faut repenser la politique commerciale.

Le sauvetage se fera en trois temps : il s'agit dans un premier temps d'analyser l'existant de manière à dégager les axes d'une refondation en profondeur de la politique de l'entreprise. Son implantation locale, sa proximité avec ses clients sont des atouts qu'il faut renforcer et développer pour réduire le plus possible la distance entre les clients - particuliers ou PME - et leur banquier : la taille relativement modeste alors du CCF dont la SMC est une filiale impose en effet de proposer un service qui marque une différence commerciale notable avec les établissements concurrents plus gros.

Mais il fallut, dans un deuxième temps, recalibrer l'entreprise en se séparant du quart de l'effectif des salariés : leur nombre avait diminué de plus de 40 % en 10 ans pour atteindre 2000 employés en 1998. Or, un plan social prévoyait de se séparer du quart de cet effectif. De fait, ce sont 457 salariés qui furent remerciés. Départs volontaires, nous assure Emmanuel Barthélémy, ce que semblent confirmer les articles de presse - encore disponibles sur le net - contemporains du plan social.

Les années passant, la stratégie adoptée par l'entreprise se révéle viable : après des années de pertes, la SMC renoue avec les bénéfices. Mais un plan social laisse des cicatrices, exacerbe les frustrations : les sacrifices consentis du bout des lèvres pendant les années de crise sont souvent remis en cause lorsque la barque est renflouée. C'est ainsi qu'Emmanuel Barthélémy justifie que la SMC ait alors redéfini ses orientations - c'est le troisième temps. Doit-on comprendre qu'il suffit, pour redonner un souffle à l'entreprise et remotiver les troupes, d'associer les salariés à la définition d'un projet d'entreprise ?

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A lire le tract de la délégation nationale de la CFDT au Crédit du Nord du premier semptembre 2011, on réalise que les choses ne sont sans doute pas aussi simples : le rachat par le Crédit du Nord en 2010 de la SMC, qui avait été vendue par HSBC à la Banque Populaire en 2008, devait permettre au Crédit du Nord de consolider son implantation en région PACA et démontrer que son coeur de métier était la banque de détail. Or, le Crédit du Nord applique une règle qui veut qu'il n'y ait qu'une seule enseigne dans chaque région où il est représenté. Il a donc été décidé que la SMC reprendrait les agences détenues par sa maison mère - environ 550 salariés, ce qui ferait passer l'affectif de la clientèle de 220 000 à 350 000. Or, la délégation de la CFDT au Crédit du Nord craint que les salariés des agences absorbées ne fassent les frais de cette restructuration. Ils soulignent, par exemple, que le salaire moyen à la SMC est inférieur de 30 % à celui du Crédit du Nord, les primes de départ à la retraite trois fois inférieures... Il semblerait qu'un alignement sur les salaires pratiqués au Crédit du Nord ne soit pas l'option retenue par le groupe ! Bref, la fusion des enseignes promet d'être moins consensuelle que le plan social évoqué précédemment !

Emmanuel Barthélémy ne s'est pas contenté d'évoquer l'histoire de la SMC : il s'est aussi exprimé sur la situation actuelle, aidé en cela par les questions qui ont suivi son exposé.

Que ressort-il de son analyse de la crise ? A vrai dire, un pessimisme relatif qui contraste avec le ton affable avec lequel il s'exprime. Car, en déchiffrant entre les lignes ses propos, on réalise que la navigation à vue est de rigueur ! Comment avoir une vision à long terme lorsque l'incertitude pèse sur la pérennité de notre monnaie, lorsque les carnets de commande des entreprises ne leur permettent qu'une visibilité réduite ?... Bien sûr, Emmanuel Barthélémy ne manque pas de noter quelques points positifs, mais on a le sentiment qu'il en est lui-même étonné : ainsi, le marché de l'immobilier est conforté par des taux d'intérêt à la baisse - comment pourrait-il en être autrement, avec les taux directeurs très bas pratiqués par la Banque Centrale Européenne ? Pas de "crédit crunch" - rationnement du crédit - non plus, sauf peut-être pour les grandes entreprises qui se tournaient plutôt vers les marchés financiers pour se recapitaliser.

jpg_shadoks-banque-pakmanEnfin, bonne nouvelle, nous informe Emmanuel Barthélémy, la recapitalisation des banques par l'état en 2008 n'a rien coûté au contribuable français ! Une bonne affaire en somme... On respire ! Sauf que... la Cour des Comptes ne partage pas l'optimisme de rigueur dans les milieux de la finance et au ministère de l'économie de 2008 à ce sujet ! On peut lire le rapport qu'elle a rendu sur le "concours publique aux banques". Elle rappelle notamment qu'il a fallu que l'Etat s'endette... auprès des marchés pour réunir les sommes énormes en jeu et craint que l'opération ne soit pas si juteuse que cela à terme pour l'état !

grenouille et boeufComment enfin ne pas pointer du doigt l'incohérence d'organismes de prêts qui, au nom de "l"aléa moral*", ont laissé des PME ou des particuliers sombrer dans une faillite dévastatrice, mais n'hésitent pas à en appeler à leur propre sauvetage auprès des états ? "Too big to fail" - trop grosses pour sombrer -, les banques qui tiennent en général pour vrai qu'il vaut mieux faire envie que pitié, et qui n'ont eu de cesse de tenter de se faire aussi grosses que le boeuf, ont poussé le cynisme jusqu'à agiter le spectre de la faillite des économies nationales pour obtenir qu'on les renflouent. Décidément, l'aléa moral ne concerne que les faibles et les petits. Et les larmes de crocodiles des banquiers ont gonflé la vague qui a ravagé bien des vies !

Fabienne Chabrolin

aléa moral

* Aléa moral : principe qui vise à responsabiliser les personnes - physiques ou morales - en limitant l'aide qui leur est apportée pour éviter qu'elles ne prennent des risques inconsidérés.


Le moment théologique de Frédéric Keller

On ne peut manquer de remarquer que le mot crédit est polysémique. Si on parle de crédit financier, on dit aussi qu'une personne a "du crédit" : on entend par là qu'elle est digne de confiance, mot qui renvoie, quant à lui, à la foi. N'oublions pas que le "credo" est une confession de foi !

dieu-ou-MamonJésus a évoqué l'argent, mais c'est en général pour inviter les humains à choisir entre Mammon, qui personnifie l'argent, et Dieu. On ne peut servir deux maîtres ! Pourquoi utiliser l'image d'une divinité pour évoquer l'argent ? Sans doute parce qu'il a une prétention à la globalisation : l'argent est totalitaire ! Il devient "comme un dieu"* !

Comme le rappelle Jacques Ellul, il faut donc profaner l'argent, comme on le ferait d'une idole ! Prêter sans intérêt, partager, donner, etc. C'est l'homme qui doit être au centre, non l'argent.

A défaut, on détruit la relation de confiance entre les hommes qui perdent tout crédit. Lorsque l'argent occupe la place qui revient aux humains, les repères sont caducs : plus d'adresse à l'autre qui devient un anonyme, plus d'émetteur ni de recepteur. Ce danger nous guette dès que nous laissons une instance globalisante prendre les rênes de nos vies : l'argent, par exemple, mais on pourrait en dire autant de la technique ou encore de la "communication" !

* Pour ceux qui ont suivi l'itinéraire spirituel d'Antoine Nouis, on peut rappeler une des idées qu'il avait developpées : l'ambition de devenir "comme Dieu" fait de nous des tyrans !

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Commentaires
F
Merci Marc pour tes encouragements : ils sont précieux !
R
Bravo pour ton article très pertinent et enrichi qui permet d'avoir une idée plus juste de la banque. La séduction a ses limites !!
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