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Le Parvis du Protestantisme - Le Blog
28 janvier 2013

La pensée de Midi chez Albert Camus

La pensée de Midi chez Albert Camus - Déjeuner-débat du mardi 22 janvier, animé par Thierry Scholler, responsable du Parvis du Protestantisme. L'invité du jour est à nouveau le philosophe Jean-François MATTEI : ce déjeuner-débat est le deuxième consacré à l'écrivain Albert Camus.

Pour consulter l'article de la semaine dernière consacré à Albert Camus, cliquez ICI.

 

La pensée de Midi

 

"la pensée de Midi a ouvert les portes d'un royaume « nourri de ciel et de mer, devant la Méditerranée fumant sous le soleil ». Si l'enfant de Belcourt est resté un étranger dans son exil parisien comme sur son propre sol, Camus a pourtant réussi, dans sa fidélité à sa terre et à son enfance, à restaurer, face à la « tendre indifférence du monde », l'héroïsme du Premier homme."

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La « pensée de midi » c'est la pensée méditerranéenne. L'expression est utilisée par Camus dans le dernier chapitre de "l'homme révolté". C'est en quelque sorte le sceau, la marque de Camus en tant qu'il essaie de proposer une éthique véritablement universelle, née sur les rives de la Méditerranée.

Il emprunte cette expression à Nietzsche et à Paul Valéry, deux amoureux de la Méditerranée. Nietzsche était allemand certes, mais philologue, spécialiste de la pensée grecque, puis établi à Nice pour des raisons de santé. À cette occasion il découvre Carmen de Bizet à l'opéra de Nice. Il qualifie cette musique de « musique de midi » qu'il oppose à la musique wagnérienne. Il préférait la pensée plus "caressante" de Bizet.

Il évoque dans son Zarathustra la « pensée de midi », l'heure de l'ombre la plus courte, où domine la lumière. Nietzsche est un philosophe de la lumière, de la luminosité. Paul Valéry quant à lui parle de « midi le juste » dans son "cimetière marin".

Le midi symboliserait la justice, l'équilibre.

2_HOMMES

Pour Camus, la pensée de midi est une pensée de la mesure, de l'équilibre. Il est le seul de son temps à parler d'équilibre. La mode est alors aux extrémismes de droite avec Brasillach, Drieu la Rochelle, Louis-Ferdinand Céline, comme de gauche avec les marxistes et leurs "compagnons de route".

Camus exècre les excès des révolutions. Les révolutions tombent toujours dans le « hybris », la démesure, l'insulte, la violence sous toutes ses formes.

« L'ignoble Europe » (l'homme révolté) a été infidèle à ses principes d'origine, nés dans la « mesure ».

Camus, philosophe de la mesure, emprunte le mot aux Grecs dont il connaît bien les traductions s'il n'a pas pu lire le texte original. Selon Camus, la grande idée des Grecs et celle de l'équilibre dans la mesure.

La démesure doit trouver en elle-même sa propre mesure.

Rien dans l'univers n'est ni tout bon ni tout mauvais. Tout est question de mesure. Chez les Grecs, fascination du soleil – lumière – énergie cosmique. L'homme doit se régler sur les forces de la nature, le microcosme se mettant au diapason du macrocosme.

La justice pour les Grecs ou pour Camus, c'est le retour de la mesure à l'intérieur de la démesure.

Selon Camus, il n'y a qu'une civilisation qui a réussi à s'approcher de la mesure, c'est la civilisation méditerranéenne, gréco-latine (avec quelques nuances pour Rome – impérialisme, fascisme.

Les écrits véritablement méditerranéens de Camus sont « Noces » et « L'été » ainsi que la dernière partie de « L'homme révolté » qui est un texte quasi universitaire de théorisation de la « pensée de midi ».

Pour un Européen, il convient de se ressourcer dans la civilisation grecque, berceau de l'humanisme européen. Tout a été découvert par les Grecs pourtant un des plus petits peuples de la Méditerranée. Camus est convaincu que toute la philosophie vient de la Grèce, ou que la philosophie doit tout à la Grèce. Seule la pensée de midi, donc une pensée de la mesure qui ne chasserait pas la démesure mais essaierait de la contenir, de l'orienter dans un bon sens, peut assurer la justice.

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L'intervention du professeur Jean-François Mattéi pose bien entendu tout un tas questions.

J'en sélectionnerai deux :

– Quelle est l'acuité de l'expression de midi pour exprimer la mesure ? Il n'y a qu'à se souvenir de cette heure lors des étés pesants dans nos contrées pour se rendre compte que cette heure terrible et tout sauf mesure. Chaleur, lumière, vacarme des cigales, tout est excès. Midi est très loin d'être la plus belle heure de la journée. C'est une heure brutale, trop chaude, de contraste élevé où toutes les couleurs sont écrasées par le soleil comme une photographie surexposée.

Je lui préfère de très loin l'aube ou le crépuscule, heures douces de toutes les nuances, heures changeantes. À la fois mélancoliques et régénérantes.

– La pensée mesurée serait-elle l'apanage de la pensée méditerranéenne ? Sûrement pas. Quand on voit les outrances en vogue actuellement on peut sérieusement en douter. La modération est loin d'être l'apanage des civilisations méditerranéennes. Le bassin méditerranéen fut aussi la terre de tous les excès, de tous les débordements. Passés ou actuels. Croisades, intégrismes arabo musulmans, sionisme…

Certes, ces mouvements se répondent-ils les uns aux autres, à quelques décennies, voire quelques siècles d'intervalle, les uns aux autres. Mais peut-on estimer qu'ils soient « mesurés ».

François Cassin

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Commentaires
S
Jean-François MATTEI : chantre de CAMUS <br /> <br /> <br /> <br /> Jean François MATTEI fait partie de ces grands philosophes français qui illuminent de leurs travaux de réflexion notre approche des écrivains et des situations, tout en enrichissant nos connaissances. Le Parvis du Protestantisme affichait complet pour cette deuxième partie de « La pensée du midi » et parmi les invités quelques célébrités, dont notre ami et Président d’association Jean GUGLIOTTA. A noter que la maitrise du sujet abordé permet à Jean François MATTEI de parler de CAMUS avec une parfaite sérénité que rien, ni personne, ne peut déranger. Si effectivement, l’espace méditerranéen a fourni de nombreux philosophes et écrivains par cette inspiration excessive et démesurée que donnent le soleil et sa lumière, le climat de l’Est et celui du Nord nous ont donné des plumes trempées dans la raison et une intelligence froidement lucide : inutile de les confronter les uns aux autres. Ils sont pleinement complémentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> CAMUS serait-il devenu cet écrivain s’il avait eu une mère autre que celle dont il a hérité ? Certainement pas ! Et finalement, cet enfant né en Algérie dans un milieu très pauvre (à une époque où l’assistanat n’existait pas encore, ce qui ne lui a pas coupé les ailes) a connu toutes les tentations de la culture pour dépasser ses origines et apprendre, apprendre et toujours apprendre. <br /> <br /> <br /> <br /> Quel bel exemple de réussite sociale que celui de cet écrivain qui a su saisir toutes les cordes de l’ascenseur social que lui offrait la République ! CAMUS devrait être cité en exemple à la jeunesse actuelle, pour ses œuvres et pour le courage dont il a fait preuve par ses études. Mais revenons à la conférence.<br /> <br /> <br /> <br /> CAMUS, penseur de la révolte, et pas de la révolution qui commence avec violence, prêche <br /> <br /> toujours pour la mesure qui doit tout équilibrer dans le monde, même si « le temps est dévergondé » ! « La démesure doit trouver sa mesure, sa sublimation, l’inconscient doit s’auto maîtriser ». <br /> <br /> <br /> <br /> Il faut lire les livres de Jean François MATTEI pour prendre vraiment le temps de découvrir la personnalité de CAMUS, sans oublier qu’une partie de la vérité de CAMUS (et pas des moindres) se trouve dans « L’exil d’Hélène ». CAMUS qui fait d’Hélène le symbole de la beauté, plus belle que toutes les déesses, CAMUS qui souligne que si la beauté a été exilée, la lumière ne renaitra comme l’aurore que si nous parvenons à faire revenir Hélène. Hélène dans la démesure de sa beauté a été la cause de la guerre de Troyes. Hélène : notre histoire quelque part, notre repère aussi dans le monde grec, ce monde qui nous a tant donné.<br /> <br /> <br /> <br /> Jean François MATTEI vient de sortir deux livres à propos de CAMUS : « Comprendre CAMUS » un livre remarquablement commenté et illustré et « 150 citations de CAMUS » avec les trois cycles du système de CAMUS. A lire absolument pour imaginer Sisyphe heureux et nous avec, quelle que soit notre situation physique, ou spirituelle ou intellectuelle, ou morale ou financière…<br /> <br /> <br /> <br /> Solange STRIMON
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