Marseille inspire les artistes depuis 2600 ans
Marseille inspire les artistes depuis 2600 ans - Déjeune-Débat du mardi 5 mars 2013, animé par Christian Apotéloz, consultant, Rédacteur en chef de Radio-Dialogue 89.6. Les invités du jours sont Jean CONTRUCCI, journaliste, critique littéraire pour la Provence pendant 30 ans, correspondant pour Le Monde et écrivain et Gilles ROF, journaliste, auteur et réalisateur de documentaires, tous deux auteurs de "Marseille Culture[s]" chez HC Editions.
Marseille inspire les artistes
depuis 2600 ans
Jean CONTRUCCI, cloué au lit, n'a pas pu être des nôtres. C'est donc Gilles ROF seul, qui présentera leur ouvrage.
Un éditeur parisien de taille moyenne, Hervé COPIN, qui avait envie de publier un ouvrage sur Marseille et la culture, a demandé à Jean Contrucci et Gilles Rof s'ils étaient intéressés. Il s'agit d'un panorama, le plus large possible, de tous les domaines culturels : cinéma, musique, théâtre, danse, architecture, photographie, littérature, poésie, etc.
Il vise à monter combien les créateurs concernés ont été touchés par la ville et ce qu'ils ont apporté à l'esprit de la cité. Cela représente deux ans et demi de travail. Ce fut le premier et longtemps le seul ouvrage sur le sujet.
C'est un ouvrage de journalistes, pas d'universitaires ou d'écrivains. Il ne s'agit pas d'être exhaustif, mais d'être lu avec plaisir.
Gille ROF raconte ensuite l'histoire de Victor Maurel dont la voix magnifique a inspiré G. VERDI, de Keith Haring qui, à la demande de Roland PETIT, avait peint, à la bombe, le décor du ballet "la mariage du Ciel et de l'Enfer" (Voir la toile)
Cette toile immense, qui vaut assurément des millions d'euro aujourd'hui, vient d'être retrouvée par hasard, pliée dans un coffre des réserves de l'Opéra.
Pendant sa minute théologique, Frédéric KELLER nous parle de l'inspiration.
C'est le premier mouvement du bébé qui nous rappelle que, pour vivre, nous avons besoin d'une "intervention" extérieure à nous-mêmes.
Marseille, à l'image de cette inspiration primitive, a vécu d'apports extérieurs multiples et divers. Religions, coutumes, langues et donc cultures différentes.
À l'instar de la première inspiration du nouveau-né, ces apports extérieurs sont souvent une souffrance. Marseille a d'abord refusé ces apports, mais a su surmonter sa xénophobie.
Dans la Bible, c'est Dieu qui donne le premier souffle. Peut-être y a-t-il dans la création artistique une continuation de cet "inspir" divin. L'inspiration, c'est cette quête d'absolu, d'ultime, de sens.
Après le déjeuner, avant le débat avec la salle, Christian APOTHELOZ demande tout d'abord à Gilles ROF de nous parler de la façon dont Marseille a été un refuge et un lieu de passage vers la liberté pour de nombreux artistes pendant la seconde guerre mondiale. Le plus souvent, ces artistes se regroupaient en petites communautés, par affinités politiques.
Il remarque que ces créateurs sont passés assez inaperçus et ont eu finalement peu d'influence sur la ville qui ne s'y est pas intéressée.
Armando COX, ancien collaborateur de Radio Grenouille, présent dans la salle, traite des musiques du monde, ou, comment écouter le son des autres.
Très souvent, des gens arrivés au port de Marseille ont débuté ici avant de connaître le succès à Paris. Ces artistes parlent souvent plus de Marseille que Marseille ne parle d'eux.
À titre d'exemple, Gilles COF cite l'histoire de Maurice El Médioni, un des plus grands pianistes de l'époque de la musique arabo-andalouse. Il a tenu un magasin à Marseille pendant 20 ans, ne jouant que pour ses proches, avant d'être "redécouvert" récemment, sans que les marseillais ne se rendent compte de sa présence ni de son talent. Il y a ici de grands talents, sans que la ville s'en aperçoive.
Ainsi en est-il du rap. Marseille est devenue la capitale du rap (cf. Akhenaton …). Il y avait aussi un mouvement parallèle à Paris, mais Marseille a eu une évolution spécifique et autonome. Le rap s'est senti chez lui à Marseille. C'est le style musical "marseillais" qui a vendu, de loin, le plus de disques dans le monde. Et ça, sans partir à Paris.
Gilles ROF estime que l'information culturelle est abondante à Marseille, même si elle ne semble pas rencontrer ses cibles. Peut-être parce que cela ne fait pas partie des préoccupations des Marseillais. "Si le marseillais s'intéresse à autre chose qu'au foot" ajoute même un éditeur local, il peut trouver à peu près tout ce qu'il veut. Ne serait-il pas indifférent.
Cela semble être méconnaître que dans toutes les villes du monde le bouillonnement culturel n'est pas l'affaire de la grande masse de la population mais de cénacles restreints.
Ici au moins, on évite de persécuter ceux qui tentent de s'exprimer, même différemment. On ne les aide pas pour autant, certes.
Ne confond-on pas tolérance et indifférence ?
François Cassin