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Le Parvis du Protestantisme - Le Blog
15 avril 2013

5 portraits de Jésus Christ : chapitre 5 - Jésus, le thaumaturge

Dans le cadre du cycle "Itinéraire Spirituel", Elian Cuvillier, professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie protestante de Montpellier propose 5 portraits de Jésus Christ. La cinqième (et dernière) conférence s'est déroulée au Parvis du Protestantisme vendredi 12 avril à 19 h  sur le thème : Jésus, le thaumaturge.

Vous pouvez lire les articles précédents du cycle "Itinéraire spirituel - 5 portraits de Jésus" en cliquant sur les liens :

Jésus, un conteur subversif 

Jésus, un nouveau Socrate ?

Jésus, l'homme seul et abandonné

Jésus, le Ressuscité

 
 

5 portraits de Jésus Christ

5 - Le Thaumaturge*


Qui veut comprendre les textes de l'évangile traitant de la question des miracles doit souvent, au préalable, se défaire de certaines réticences liées aux représentations qui s'imposent à lui dans notre monde rationnel ; accepter un temps de lire ces récits comme autant d'éclairages sur ce que sont les miracles. Et ne pas s'imaginer non plus qu'ils ont été reçus, entendus par des hommes et des femmes plus naïfs que nous ne le sommes. Pour eux aussi, le miracle, qu'il s'agisse d'une guérison ou d'une transgression des lois physiques, soulève étonnement et incrédulité.

P1180014La question n'est donc pas, selon Elian Cuvillier, de croire ou non aux miracles mais de comprendre de quoi il s'agit. En somme : qu'est-ce qu'un miracle ?

Ce préalable étant posé, il convient aussi de garder à l'esprit que les évangiles ne se contentent pas d'énumérer des faits miraculeux : ils les mettent en scène dans des récits dont chaque mot est pesé, lourd de sens.

Aussi faudra-t-il garder à l'esprit que les miracles entrent dans une typologie de récits que l'on retrouve dans le monde antique.

Les premiers sont les textes qui racontent ce qui se passe dans les sanctuaires des dieux guérisseurs. Ces récits sont frappés du sceau de la légitimité : on pourrait presque dire qu'il s'agit de la manière la plus courante d'exercer la médecine, et que le dit sanctuaire, véritable institution sociale, est en quelques sortes l'ancêtre de nos hôpitaux. Sa fonction est de permettre, en échange d'une offrande, la réintégration du malade guéri dans la société.

A cet égard, la piscine de Bethesda, évoquée dans les évangiles, peut assumer cette fonction, comme aussi bien des lieux auxquels on a attribué un pouvoir de guérison : que l'on se réfère, par exemple, aux ex-voto ou à la grotte de Lourdes.

Bethesda_Murillo

La guérison, dans ces cas, est l'effet de la volonté des dieux - ou du Dieu unique : il ne s'agit pas du pouvoir d'un rebouteux agissant pour son compte.

En marge de cette pratique de guérison officielle, on trouve les récits de magie : à la différence des sanctuaires, les "magiciens" n'ont pas de légitimité et sont souvent en butte à l'hostilité des religieux, ce qui les contraint à agir dans le secret. Simon le magicien, évoqué dans le livre des Actes, rentre dans cette catégorie.

A côté de ceux-ci, mais en pleine lumière, se lèvent des hommes, parfois philosophes, souvent charismatiques, qui, dans leurs pérégrinations itinérantes, sont conduits à guérir les personnes qui leur apportent leurs souffrances et leurs maux. Ils s'expriment ouvertement et, parfois, n'hésitent pas à bousculer l'ordre établi, la parole officielle des institutions religieuses et à proclamer une nouvelle forme de vie. Jésus relève sans aucun doute de ce troisième type. Mais il se distingue des autres prédicateurs thaumaturges en ce qu'il veut faire advenir le royaume de Dieu.

On peut aussi classer les différents types de miracles eux-mêmes.

- Les exhorcismes : il s'agit alors de chasser les démons qui "habitent", possèdent des êtres humains.

- Les guérisons : on rend la vue aux aveugles, la marche aux paralytiques, la parole aux muets. On restaure et ramène à la plénitude de la vie.

Gu_rison_d_un_aveugle

- Les résurrections : à l'instar des précédents, il s'agit de remettre debout, de redonner vie.

- Les miracles "de la nature" qui agissent sur les éléments et non sur des personnes. La tempête apaisée, l'eau changée en vin à Cana, la pêche miraculeuse et la malédiction du figuier sont autant de récits de miracles des évangiles qui entrent dans cette catégorie.

On peut faire une lecture symbolique de ce dernier type de miracle, comme nous y a invités Elian Cuvillier, tout en précisant qu'elle n'était pas exclusive d'autres lectures. Mais ces récits spectaculaires ont manifestement une fonction importante dans l'établissement de la nature divine de Jésus. Il n'est pas exclu, à en croire Elian Cuvillier, que cette lecture symbolique ait pu avoir cours à l'époque de Jésus. Tous pouvaient saisir immédiatement la portée de détails dans le récit des noces de Cana : les jarres qui contenaient de l'eau - nécessaire à la purification - au nombre de 6, chiffre symbolisant l'imperfection, l'incomplétude, sont désormais pleines de bon vin. Il est probable que les contemporains de Jésus auront entendu que le récit de la transformation de l'eau en vin était aussi une manière de remettre en cause l'ancienne alliance qui faisait la part belle à la notion de pureté.

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Il est à noter, enfin, que les miracles ne sont pas des "prodiges" sans rationnalité : jamais il n'est question de membres ou de têtes décapitées qui repoussent. On reste dans une certaine vraisemblance.

Le prodige laisse perplexe, il n'apporte pas grand chose. Le miracle, c'est "quand la grâce de Dieu vient s'inscrire dans le destin de quelqu'un", nous dit Elian Cuvillier. Ce qui était inéluctable devient évitable. Dieu ouvre des possibles. On échappe au mur vers lequel on se précipitait.

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"Il y a des miracles qui ne sont pas prodigieux, il y a des prodiges qui ne sont pas miraculeux !"

Le miracle n'est possible que si la parole libératrice de Dieu vient rencontrer celui qui veut être libéré, guéri. Parfois, ce désir peine à trouver la voix de son expression, comme pour cet aveugle que le recouvrement de la vue embarrasse dans un premier temps. Jusqu'à ce qu'il finisse par l'accepter, l'accueillir et témoigner de ce qu'il voit désormais.

En somme, le miracle est un antidéterminisme : il permet à chacun d'envisager un "après" lorsque tout semblait perdu.

Après cette première partie générale sur la notion de miracle, Elian Cuvillier a proposé à l'auditoire des travaux pratiques : il a commenté un premier texte et invité les groupes à méditer le second.

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Evangile de Marc, chapitre 5, versets 1-20

1Et ils vinrent de l’autre côté de la mer dans la région des Géraséniens. 2Et Jésus étant sorti de la barque, aussitôt vint à sa rencontre, hors des tombeaux, un homme possédé d’un esprit impur 3qui avait sa demeure dans les tombeaux. Même avec une chaîne, personne ne pouvait plus l’attacher. 4Parce que souvent il avait été attaché par des entraves et des chaînes et qu’il avait brisé les chaînes et cassé les entraves et personne n’avait la force de le maîtriser. 5Sans cesse, nuit et jour, il était dans les tombeaux et dans les montagnes, criant et se blessant avec des pierres.

6Et ayant vu Jésus de loin, il courut et se prosterna devant lui. 7Ayant crié d’une voix forte il dit : « Qu’y a-t-il entre toi et moi, Jésus, fils du Dieu Très Haut. Je t’en conjure au nom de Dieu, ne me tourmente pas ! » 8Car il lui disait : « Sors de cet homme, esprit impur. » 9Et il lui demandait : « Quel est ton nom ? » Et il lui dit : « Mon nom est ‘Légion’ car nous sommes beaucoup. » 10Il le suppliait beaucoup afin qu’il ne les envoie pas en dehors du pays.

11Or, il y avait là, près de la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. 12Et ils le supplièrent disant : « Envoie-nous dans les porcs afin que nous entrions en eux. » 13Il le leur permit. Et étant sortis, les esprits impurs entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita de la falaise dans la mer, ils étaient environ deux mille, et ils se noyaient dans la mer. 14Ceux qui les gardaient s’enfuirent et l’annoncèrent dans la ville et dans les campagnes et l’on vint voir ce qui était arrivé. 15Ils viennent vers Jésus et ils voient le possédé assis, vêtu et dans son bon sens, celui qui avait eu ‘Légion’, et ils furent saisis de crainte. 16Ceux qui avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au possédé et au sujet des porcs. 17Et ils se mirent à le supplier de partir loin de leur territoire. 18Comme il montait dans la barque, celui qui avait été possédé le suppliait pour être avec lui. 19Et il ne le lui permit pas, mais il lui dit : « Va dans ta maison, chez les tiens, et annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi et qu’il a eu pitié de toi. » 20Étant parti, il se mit à prêcher dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient étonnés.

Ce récit regorge de détails qui attestent de la souffrance de l'homme possédé : c'est contre lui-même qu'il retourne sa violence. Lorsque Jésus s'approche de lui, il le reconnaît et l'implore de ne pas le tourmenter. "Je m'appelle Légion". Cette manière de se nommer en dit long sur la déshumanisation de cet homme. Mais serait-ce aussi une allusion à la présence des légions romaines en Judée, à cette époque ?  Quoiqu'il en soit, le récit prend une tournure tragicomique lorsque Jésus précipite les esprits impurs qui dominent l'homme dans un troupeaux de 2000 porcs qui se jettent du haut d'une falaise.

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Il s'agissait de porcs domestiques : quelle perte économique pour son propriétaire ! Mais on se doute que ces porcs n'étaient pas destinés à être consommés par les juifs de Judée. Ces animaux frappés d'interdit devaient probablement être consommés par... les Romains ! Bref : la boucle est-elle bouclée ? Est-on face à un récit de dénonciation de la mise à l'écart des malades et des marginaux dans un monde voué aux seules logiques économiques, dominé par la violence politique ? J'avoue ne pas être encline à suivre Elian Cuvillier sur ce terrain.

Lorsque l'homme est enfin libéré de ses chaînes, il exprime le désir de suivre Jésus. Mais celui-ci repousse cette proposition et l'invite à témoigner parmi les siens de "tout ce que le Seigneur a fait pour lui". S'il a été libéré, ce n'est pas pour entrer dans une dépendance vis à vis de quiconque. Pas même de Jésus. Pour "suivre" Jésus, il doit devenir "sujet de sa parole".    

Evangile de Marc, chapitre 9, versets 14-29

14En venant vers les disciples, ils virent autour d'eux une grande foule et des scribes qui discutaient avec eux. 15Dès qu'elle vit Jésus, toute la foule fut remuée et l'on accourait pour le saluer. 16Il leur demanda : « De quoi discutez-vous avec eux ? » 17Quelqu'un dans la foule lui répondit : « Maître, je t'ai amené mon fils : il a un esprit muet. 18L'esprit s'empare de lui n'importe où, il le jette à terre, et l'enfant écume, grince des dents et devient raide. J'ai dit à tes disciples de le chasser, et ils n'en ont pas eu la force. » 19Prenant la parole, Jésus leur dit : « Génération incrédule, jusqu'à quand serai-je auprès de vous ? Jusqu'à quand aurai-je à vous supporter ? Amenez-le-moi. » 20Ils le lui amenèrent. Dès qu'il vit Jésus, l'esprit se mit à agiter l'enfant de convulsions ; celui-ci, tombant par terre, se roulait en écumant. 21Jésus demanda au père : « Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? » Il dit : « Depuis son enfance. 22Souvent l'esprit l'a jeté dans le feu ou dans l'eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par pitié pour nous. » 23Jésus lui dit : « Si tu peux ! ... Tout est possible à celui qui croit. » 24Aussitôt le père de l'enfant s'écria : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » 25Jésus, voyant la foule s'attrouper, menaça l'esprit impur : « Esprit sourd et muet, je te l'ordonne, sors de cet enfant et n'y rentre plus ! » 26Avec des cris et de violentes convulsions, l'esprit sortit. L'enfant devint comme mort, si bien que tous disaient : « Il est mort. » 27Mais Jésus, en lui prenant la main, le fit lever et il se mit debout. 28Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : « Et nous, pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit ? » 29Il leur dit : « Ce genre d'esprit, rien ne peut le faire sortir, que la prière. »

 

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L'enfant amené à Jésus par son père a un "esprit muet" : il ne parle pas mais semble souffrir de malaises que l'on qualifierait aujourd'hui de crises d'épilepsie. Le dialogue entre le père de l'enfant et Jésus montre à la fois la souffrance de l'homme et son impuissance. Il se débat avec la "possession" de son fils depuis son enfance.

"...Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par pitié pour nous." dit l'homme, montrant ce que toute personne ayant eu un enfant malade sait intimement : la douleur qui s'abat alors indifféremment sur tous les membres de la famille, et plus particulièrement sur les parents. Cet homme n'en peut plus !

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Bien des groupes qui composaient l'auditoire s'en sont avisé : ils ont proposé un titre à ce récit, "la guérison du père" ! Mais cette guérison passe par bien des étapes. Il s'est tourné vers les disciples de Jésus : on peut penser qu'il avait dû user auparavant de tous les recours à sa disposition depuis la naissance de son fils. Las ! Rien n'y a fait, et les disciples eux-mêmes sont restés impuissants.

"Si tu peux quelques chose..." ! "Si tu peux !" reprend Jésus. "Tout est possible à celui qui croit". Réponse difficile à entendre, qui renvoie l'homme à sa foi fragile, mais qui, dans le même temps, le conforte et lui donne l'assurance qui lui manquait. "Je crois, viens au secours de mon manque de foi !" Confession de foi et expression simultanée du besoin de s'en remettre à Dieu : ce cri remet les choses à leur place et remplace les efforts du père pour sauver son fils par l'attente confiante de sa guérison.

Vient ensuite une phrase un peu sibylline : "Jésus, voyant la foule s'attrouper, menaça l'esprit impur... Je te l'ordonne, sors de cet enfant..." Il reste l'impression que ces paroles sont une concession à la foule, à ce qu'elle attend - des signes, encore et toujours - jamais rassasiée de sensationnel. On ne peut s'empêcher de penser à d'autres exemples ou Jésus semble faire ce qu'on attend de lui : l'entrée triomphale à Jérusalem, ou encore l'injonction "Lève-toi, prends ton petit lit et marche" après qu'il a pardonné au paralytique ses péchés...

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L'enfant reste comme mort, mais il vit : il est relevé - ressuscité ! On n'est pas loin ici de la métaphore pascale : en réintégrant le monde des gens sains d'esprit, l'enfant possédé, rendu à lui-même, est restauré.

Quant aux disciples, ils ne comprennent pas pour quelle raison ils sont restés impuissants devant ce cas de possession. La réponse de Jésus les renvoie à leur propre foi : "ce genre d'esprit, rien ne peut le faire sortir que la prière".

Priez donc !

Fabienne Chabrolin

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